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Story Notes:

Une autre de mes traductions, je ne suis pas l'auteur ! Il s'appelle SpookyTaco, vous pouvez le contacter par mail ou me laisser un mot si vous voulez lui dire quelque chose de particuliers ;)

Disclaimer: All publicly recognizable characters, settings, etc. are the property of their respective owners. The original characters and plot are the property of the author. The author is in no way associated with the owners, creators, or producers of any media franchise. No copyright infringement is intended.

Tristan retenu l'envie de vomir alors qu'il regardait la fille sortir de la salle de bain et s'asseoir à son bureau, en face de son ordinateur. Les battements de son coeur résonnaient dans ses oreilles; l'adrénaline apaisant momentanément sa migraine grandissante. Après avoir survécu ces deux derniers jours sans eau ni nourriture, il savait qu'elle ne pouvait être que son dernier espoir s'il souhaitait continuer à vivre.

L'email était assez simple :

Salut Raine, Mon nom est Tristan et je suis un alien. S'il te plaît, ne sois pas choquée par cet email. Je suis en ce moment en train de vivre dans ta chambre et j'ai désespéramment besoin d'eau. Je sais que ça doit paraître bizarre, mais s'il te plaît ne sois pas effrayée. N'essaie pas de me chercher. N'appelle pas la police. Si tu fais quoique ce soit d'autre que me procurer de l'eau, je serai mort d'ici demain. Ce n'est pas une situation permanente, juste quelques semaines. S'il te plaît laisse l'eau sous la table de nuit à côté de ton lit. Merci. -Tristan

Couché sur le ventre sous le lit, Tristan regarda l'ombre de la fille qui se redressait dans sa chaise. Des cheveux bruns foncés s'éparpillaient sur ses épaules fines, révélant un visage de porcelaine sans la moindre trace de maquillage. Un anneau d'argent accrochée à sa lèvre inférieure reflétait la lumière d'une lampe adjacente alors que ses yeux bleu ciel épiaient l'écran. Un t-shirt noir à manches longues et un jean bleu déchiré couvraient le reste de son corps.

Soudainement, la fille se leva, observant la chambre. Le coeur de Tristan sursauta, et il se retira plus loin sous le lit. Les bords de la couverture jaune plongeaient bas, empêchant la fille de voir sous le lit sans utiliser de lumière.

Il regarda ses pieds, habillés de chaussettes noires, marcher rapidement sur le tapis aux mèches violettes et s'arrêter devant un téléphone rectangulaire. Plus tôt, Tristan avait désactivé la sonnerie et avait essayé de le pousser sous le lit. Cependant, il ne pouvait pas le faire bouger, estimant qu'il devait pesait presque 150kg. C'est pourquoi il avait fait l'email directement depuis là-bas, en plein milieu de la chambre avant qu'elle ne revienne de sa douche.

La main de Raine apparut et ramassa le téléphone. Tristan retint son souffle, attendant qu'elle appelle la police ou tout autre agence de sécurité qui pouvait bien exister dans ce monde. Depuis qu'il était là, tout ce qu'il avait vu était comme dans son monde, mis à part la taille des objets eux-même bien entendu. Même après deux jours, il avait encore du mal à réaliser la nature irrationnelle de tout ce qui lui arrivait. Seules la faim et la soif lui donnaient suffisamment de force pour surpasser son instinct primitif qui lui disait de rester cacher à jamais.

Il attendit pendant ce qu'il lui sembla être une éternité. À sa plus grande surprise, elle ne semblait pas parler ou même bouger. Il ne savait pas vraiment ce qu'elle faisait. Finalement, elle marcha jusqu'à la porte de sa chambre et sortit.

Tristan souffla l'air qu'il n'avait même pas réalisé retenir et le poids s'enleva de ses épaules. Alors que l'adrénaline se dissipait de son système, il sentit un vertige du à la fatigue. Tristan rampa plus loin sous le lit jusqu'à un grand vêtement, qu'il assumait être un genre de t-shirt, et se coucha sur le dos, regardant dans l'obscurité. Il laissa ses paupières se fermer un court instant, mais c'était tout ce qu'il fallait pour que son subconscient prenne le contrôle, et qu'il ne l'emporte dans un sommeil profond, sans rêve.

***

Tristan se réveilla, se redressant instantanément comme s'il venait de recevoir un puissant choc électrique. Comment avait-il fait pour s'endormir dans un moment aussi critique ? Il ne pouvait se permettre d'être aussi insouciant.

Une vague de mal-être l'envahit. Tristan essaya d'avaler sa salive, sentant sa gorge sèche et sa langue douloureuse. Il ne savait pas combien de temps il était resté endormi, mais il n'allait pas pouvoir survivre un jour de plus sans eau. Si elle l'attrapait maintenant, cela n'aurait plus d'importance. À ce point, rester caché représentait un danger encore plus grand.

Il se déplaça lentement vers le bord du lit, jusque là où se trouvait la table de nuit, et il rampa à découvert sur le sol de bois dur. La lumière de la lune passait à travers la fenêtre, lui permettant de voir les alentours.

En général, le sol était plus propre que ça; des piles de vêtements avaient été renversées. De grandes armoires jaunes s'alignaient sur un mur adjacent aux imposantes étagères de la bibliothèque, remplie de livres et de boîtes de taille variées. Deux carrés pâles et duveteux - peut-être des genres de chaises en eux-même - se trouvaient sur le tapis aux mèches violettes au centre de la chambre. Un sac, apparemment beaucoup utilisé déjà, pendait de telle sorte à faire face au grand écran de télévision sur le mur opposé au lit. Depuis qu'il était arrivé, Tristan n'avait ni vu ni entendu l'écran fonctionner.

La table de nuit en métal s'élevait au-dessus de sa tête, d'environ 7 ou 8 mètres. Le milieu de la table nuit consistait en un genre d'armoire ouverte dont la base reposait sur le sol. Lorsque Tristan vit le verre d'eau posé sur le sol de cette armoire, il pleura presque, et réussit à se retenir de se mettre à sprinter.

Cependant, après avoir marché dans l'armoire, il réalisa que le bord du verre s'étendait un peu au-dessus du niveau de sa tête. Avec un peu de chance, la fille dormait, et il ne voulait pas faire plus de bruit que nécessaire. Et pourtant, il ne pouvait plus se retenir. Attrapant le rebord, il se hissa suffisamment pour que sa tête puisse toucher l'eau et il but à grandes gorgées. Rien de toute sa vie n'avait jamais eu aussi bon goût.

À contre-coeur, il s'arrêta de boire au risque de vomir s'il en ingurgitait trop. À ce moment, il remarqua le téléphone sur le sol à seulement quelques mètres de lui. Comment était-ce possible ? L'avait-elle placé au pied de la table de nuit pour une raison particulière ?

Sa curiosité devenant trop forte, il alluma le téléphone et vit l'application des messages ouverte sur un message que Raine s'était envoyé à elle-même :

Est-ce que tu as faim ?

Un frisson parcourut Tristan; il se sentait comme observé. Il regarda en haut du lit mais ne vit rien qui sortait de l'ordinaire. Il ne pouvait pas déterminer si la fille dormait dans son lit et il n'allait sûrement pas monter pour vérifier. Cependant il voyait suffisamment grâce à la lumière de la lune pour être sûr qu'elle n'était pas en train de l'épier.

Tristan ferma le message et se risqua à y répondre. Il remarqua immédiatement que ses autres messages n'étaient plus dans sa boîte de réception. Elle les avait sûrement supprimés; il se sentit coupable d'avoir violé sa vie privée. Il avait seulement vu quelques sujets de conversation et son nom bien sûr. Et un message du mois dernier qui disait "Joyeux 18ans !", elle devait donc avoir 18 ans, ce qui voulait dire qu'elle était plus jeune que lui, d'un an.

Tristan sélectionna "Écrire" et rédigea sa réponse :

Raine, merci pour l'eau ! Oui, je suis affamé. Peu importe ce que tu arrives à épargner. D'ailleurs je n'ai besoin que de très petites portions d'eau et de nourriture. -Tristan

Il avait hésité pour écrire la dernière phrase, de peur de trop en révéler sur lui. Mais encore une fois, elle supposait bien que ce n'était pas un monstre gigantesque étant donné que la chambre elle-même ne contenait pas tant de cachettes.

Tristan retourna vite sous le lit, grimaçant alors que son estomac gargouillait. Heureusement le son n'était pas audible pour la fille.

Le sommeil ne revint pas facilement. Quelque chose à propos de Raine le dérangeait. Des pensées virevoltaient dans sa tête.

Comment se fait-il qu'elle soit si indulgente ? Si un alien atterrissait dans ma chambre, comment aurais-je réagi ? Probablement pas comme ça, je serais mort de peur. Ou je serais curieux au moins, pas inquiet pour l'alien et sa faim. Cette fille, elle est assez étrange...

Finalement le sommeil s'empara de lui, et la nuit se passa sans rien de plus. Cette fois Tristan rêva. Il rêva du livre, du portail et du jour qui a changé sa vie pour toujours.

***

C'était lundi 12 mars 2012. Le jour avait commencé comme n'importe quel autre. Comme d'habitude, l'alarme de Griffin l'avait réveillé à sept heure du matin, presque deux heures avant que commence sa première heure de cours. Il avait arrêté de se plaindre à propos de cette situation. Même si Griffin dormait dans une chambre séparée de la sienne dans cet appartement à trois chambres, l'alarme pénétrait les murs fins avec aisance. Griffin l'éteignait environ 20 minutes plus tard. Cooper, leur autre colocataire, n'avait pas l'air d'y prêter attention donc Tristan décida simplement de laisser les choses comme elles l'étaient.

Comme les autres matins, il courut quelques kilomètres dans leur ville. Le semestre dernier, il avait couru avec l'équipe de cross country. À 1m55, il n'avait battu aucun record de vitesse, mais il s'en sortait toujours dans le groupe de tête. Il ne participait pas avec l'équipe cette année, même s'ils lui avaient poliment dit qu'il pouvait les rejoindre quand il le voulait. Il ne comptait pas le faire, mais il continuait à courir pour garder son esprit loin de ce qui s'était passé l'année dernière.

Il participait à tous ses cours - biologie, physique et philosophie - mais il avait du mal à rester attentif durant les lectures. En tant que major en biologie, il voulait faire des études dans cette matière, mais il avait perdu de sa motivation en rentrant en retard pour le semestre de février. Il ne savait pas si il voulait continuer là-dedans ou si son rêve de devenir docteur ne signifiait plus rien pour lui.

Aujourd'hui, le poids de ses décisions semblait plus lourd que d'habitude. Il était retourné à l'université malgré la tragédie de l'année précédente, même si il aurait facilement pu éviter de faire ainsi. Il l'avait fait pour continuer à avancer, pour s'engager dans quelque chose qui l'aiderait au moins à maintenir sa santé mentale et à le sortir de dépression. Durant les premières semaines, ça l'avait aidé mais il n'était plus le même. Ses amis avaient remarqué la différence; il ne pouvait pas supporter la pitié dans leur yeux. Ils n'étaient pas ses vrais amis.

Il avait été invité à une fête cette nuit mais avait choisi de l'éviter et de visiter la bibliothèque du campus à la place. Le bâtiment ne fermait jamais et même si il utilisait rarement les livres, il appréciait la tranquillité qui y régnait.

Tristan prit les escaliers jusqu'au cinquième étage et trouva un bureau vide le long du mur avec une fenêtre qui offrait une vue sur les parcs du campus. Le soleil couchant peignait les nuages de nuances dorées et magenta.

Il ouvrit son ordinateur et regarda ses emails. Un message non lu de Caleb :

Hey Tristan, est-ce que tu pourrais aller jeter un coup d'oeil aux questions pour monkeystomp ? Je suis noyé de boulot et je n'ai pas le temps. Sinon, c'est pas grave. Merci !

Caleb n'allait pas à la même université que Tristan mais ils avaient été amis depuis le collège. Ils avaient grandi ensemble dans Nashville et c'était le genre de personne sur qui Tristan pouvait toujours compter. Récemment, il avait passé du temps pour aider Caleb avec son logiciel ouvert. Même si il le suspectait de ne l'impliquer que pour faire distraction, Tristan appréciait l'offre et en apprenait en même temps sur ce qu'ils faisaient.

Tristan passa l'heure suivante à répondre aux propositions de recodage que la communauté leur proposait pour leur projet. Il séparait les recommandations en mettant d'un côté celle qui l'intéressaient et laissait les autres pour Caleb. Il passa aussi du temps à lire plusieurs problèmes. Le projet en question, monkeystomp, aidait d'autres développeurs en trouvant des bugs dans leurs codes. Cependant, l’algorithme avait besoin d'une attention constante pour maîtriser les dernières mises à jour de langage qu'il pouvait supporter.

Environ deux heures plus tard, Tristan regarda la pleine lune qui brillait entre les arbres. Même si les lumières au sol restaient allumées, le lourd silence soutenait son isolation. Il se leva et commença à marcher le long des couloirs.

Quelque chose dans l'allée attira son attention. Tristan se déplaça entre les hautes étagères, attiré par une fine lumière qui émanait de l'étagère du bas du bloc central. Après une inspection plus détaillée, il ne vit aucun livre à cet endroit, juste une place vide. D'où la lumière pouvait-elle bien venir ?

Tristan s'agenouilla; un livre blanc et brillant entra dans son champ de vision. Étrange, peut-être devait-il y jeter un coup d'oeil. Il le retira de l'étagère et examina la couverture. Le titre était Splinter's Edge - pas d'auteur.

Il retourna à son bureau et ouvrit le livre pour simplement trouver que les premières pages étaient blanches. Il feuilleta rapidement le reste du livre. Chaque page était vide. Alors qu'il observait son contenu, les lumières vacillèrent toutes avant de s'éteindre entièrement.

Tristan se prépara à rallumer les lumières du sol comme il l'avait déjà fait auparavant. Il commença à se lever, seulement pour réaliser qu'il était déjà debout. Ou l'était-il ? Il fut enveloppé d'obscurité comme d'une fine couche d'encre, se sentant lourd et presque liquide. Comment se pouvait-il que la bibliothèque soit si noire ? Il n'avait jamais expérimenté une sensation de...vide si total.

Il ne pouvait pas dire s'il était assis ou debout. Il ne pouvait pas déterminer s'il avait les yeux ouverts ou fermés, s'il respirait ou non. Toutes ses informations sensorielles semblaient perdues.

Puis la lune apparut devant lui. Non, pas la lune. Quelque chose apparut devant lui, quelque chose qui projetait de la lumière. Désespéré de fuir l'obscurité qui menaçait de le consumer, il s'approcha de la lumière...

***

Tristan se réveilla en douleur, cette dernière provenant à la fois de sa tête et de sa vessie. Momentanément désorienté, il s'assit; son estomac se resserra alors que des souvenirs récents lui revenaient. Malheureusement la nature prenait le pouvoir et il n'avait pas le temps de se ronger de pitié.

Regardant à l'extérieur depuis le dessous du lit, il étudia son environnement. La lumière du soleil illuminait la chambre, et la porte était entrebâillée. Raine devait être à l'école, ou du moins là où elle se rendait chaque jour. Il espérait au moins qu'elle n'était plus dans le lit.

Tristan posa les yeux sur un objet blanc dans l'angle de la chambre le plus loin de lui - une armoire en bois avec un trou de forme rectangulaire et arrondie tout en bas de la porte. Deux jours plus tôt il avait découvert que cet objet contenait une litière, qu'il n'avait jamais vu en train de se faire changer et, plus important, jamais se faire utiliser.

Il jalonna le sol désert, remarquant une différence critique à mi-chemin. Avant, des livres empilés faisaient office d'escaliers pour lui permettre d'atteindre l'entrée. En rangeant sa chambre, Raine avait correctement arrangé ces livres sur leurs étagères. Elle était trop organisée pour son bien-être...ou pour celui de Tristan.

Il calcula la hauteur de l'entrée et sauta. Comme un joueur de basketball sans aucun espoir de dunk, il retomba très vite.

Je pourrais le faire si j'avais plus d'énergie, pensa-t-il. Ce n'est pas si haut que ça.

Vaincu, mais pas désespéré, ses yeux se baladèrent dans la chambre. La table de nuit attira son attention; Raine y avait déposé un morceau de nourriture et un peu d'eau. Trottinant jusqu'à cet endroit, Tristan sentit qu'il y avait un morceau de fromage dans la coupelle.

Est-ce qu'elle pense que je suis une souris ?

Le grand verre avait été remplacé par une petite tasse d'eau. Un téléphone se trouvait à côté de la table de nuit, mais il était différent du précédent - il semblait être un modèle plus ancien.

Une idée lui parcourut l'esprit. Tristan avala quelques gorgées d'eau et s'assit sur le bas de la table de nuit, les pieds appuyés contre un côté de la tasse. Il poussa fort jusqu'à ce que le haut de la tasse passe par-dessus et que cette dernière tombe à la renverse, éparpillant de l'eau de partout. Heureusement, le déluge avait épargné le téléphone.

Tristan souleva la tasse de la taille d'une corbeille et la porta jusqu'à l'armoire blanche. La retournant, il grimpa dans l'entrée de la litière. Même si l'odeur n'était pas atroce, celle-ci le fit quand-même tousser. Il marcha au fond et fit ce qu'il avait à faire, à la fois humilié et soulagé. À sa taille, il doutait que qui que ce soit remarque l'odeur ou perçoive la moindre différence. Cela l'avait certainement aidé à se décider. Il ne pouvait pas s'imaginer utiliser des toilettes normales ou simplement le faire par terre.

Tristan sauta de la boîte, utilisant la tasse pour descendre. Il se redirigea vers la table de nuit, récupérant un morceau de fromage et en mangeant un bout. Le goût semblait plus fort que ce dont il avait souvenir. Bien sûr, il ne mangeait pas souvent de fromage quand il vivait seul.

Affamé, il emplit sa bouche de nourriture afin de rassasier son estomac. La grande majorité du fromage - presque 60cm carré - restait intacte et lui servirait de réserve pendant plusieurs jours si nécessaire, même s'il n'appréciait pas trop cette idée.

Après avoir marché vers le téléphone, Tristan l'alluma pour voir qu'un message l'attendait : Quel genre de nourriture aimes-tu ?

Encore une fois, pourquoi écrire de tels messages ? pensa-t-il. Peut-être que c'est juste comme ça que les gens se comportent dans ce monde ?

D'après les données du téléphone qu'il avait vues auparavant, Tristan connaissait sa localisation et la date ; Atlanta, Géorgie et c'était le 15 mars 2012. Le livre avait du le transporter physiquement sans altérer le temps. Des questions naissaient dans sa tête, mais elles allaient devoir attendre.

Le programme sur l'écran n'apparaissait plus comme un mail. À la place, il semblait désigné pour être une messagerie instantanée, même s'il n'avait jamais entendu parler d'une application appelée Triangle Chat. Utilisant l'écran tactile, il répondit : Probablement tout ce que tu aimes, juste en plus petites portions. Merci pour le fromage.

Il hésita, puis ajouta : Pardon, j'ai renversé l'eau.

Un peu embarrassé et pas franchement enclin à lui donner plus de précisions, il appuya sur Envoyer. Étonnamment, son nom apparut derrière la bulle du texte. Avait-elle configuré le téléphone pour lui ? Il n'eut pas le temps de contempler l'idée; le portable vibra quelques secondes plus tard.

Raine : C'est pas grave. Je suis en cours pour l'instant. Je t'apporterai quelque chose de différent ce soir.

Quelques secondes passèrent et un autre message apparut.

Raine : À quoi tu ressembles ?

Finalement, une question à peu près normale, enfin aussi normale que possible quand on pose une question à un "alien". Malheureusement, c'était une question à laquelle Tristan n'avait pas envie de répondre.

Tristan : Je suis désolé, je ne me sens pas encore prêt à me décrire.

Raine : C'est pas grave. Combien de temps restes-tu ?

Tristan : Encore quelques semaines, jusqu'à la prochaine pleine lune.

Elle va sûrement penser que je suis un minuscule loup-garou ou un vampire. Il soupira.

Après avoir attendu quelques minutes sans autre réponse, Tristan rampa jusque sous le lit et se coucha, tirant le vêtement sur son corps. Une chaleur réconfortante émanait de son ventre plein et le sommeil l'emporta.

***

Le son de quelque chose qui grattait fit sursauter Tristan. De la lumière fluorescente illuminait les bords du lit, le faisant s'approcher de l'angle le plus proche de ce bruit.

Raine tamisait la litière, faisant tomber des blocs dans une poubelle que Tristan n'avait pas vu auparavant. Après avoir fini, elle replaça la boîte dans l'armoire et emporta la corbeille hors de sa chambre.

Tristan rampa sous le lit, dépité. Comment avait-il fait pour oublier la tasse ! Sans aucun doute l'avait-elle remarquée et réalisé à quoi cela avait servi, sûrement depuis qu'elle avait un indice au sujet de sa taille.

Tristan tira l'intégralité du vêtement autour de son corps et resta simplement étendu, consumé de honte. Il voulait s'enfuir dans le sommeil, mais ce dernier ne venait pas. Donc il se reposa juste, écoutant les moindre mouvements de la fille dans la chambre. Il entendit une assiette se faire poser sur la table de nuit et sentit quelque chose de...appétissant. Sa bouche se mit à saliver et son estomac gargouilla, mais il ne bougea pas.

Raine s'assit à son bureau, peut-être pour lire. Au bout d'un moment, il entendit un bip familier et figura qu'elle essayait sûrement de lui parler. Malgré sa faim atroce, il ne comptait pas répondre avant qu'elle dorme, en supposant que ça lui arrive.

Comme ressentant son malaise, les lumières s’éteignirent et il put l'entendre se coucher dans le lit au-dessus de lui. Il attendit une autre heure entière, comptant littéralement les secondes dans sa tête jusqu'à être sûr qu'elle dormait.

Tristan se sentait nu alors qu'il quittait la protection du lit, même s'il portait le même jean, t-shirt et et sweat-shirt gris qu'à son arrivée. La lune lui procurait de la lumière en se reflétant sur le mur le plus lointain. Une lumière nocturne illuminait la table de nuit, révélant un petit plat de spaghetti, du pain et de la salade ainsi qu'une tasse d'eau.

Ressentant encore un frisson parcourant son dos, Tristan jeta sa tête en l'air pour s'apercevoir encore une fois qu'il n'y avait que les bords sombres de la couverture au-dessus de lui. Pas de visage gigantesque qui l'épiait, en tout cas lui n'en voyait pas.

Les yeux s'aventurant à nouveau vers l'armoire, il remarqua que la tasse avait été remplacée par une pile de livres alignés de sorte à lui former un escalier. L’embrassement laissa place à la faim alors qu'il approchait l'assiette.

Tristan ignora la salade et arracha un morceau de boulette de viande, le jetant dans sa bouche. Il dévora le pain, les pâtes délicieuses et quelques bouchées de laitue et de tomate, la dernière l'éclaboussant de jus. Il finit le repas avec un peu d'eau et s'assit, la main sur l'estomac.

Entièrement rassasié pour la première fois depuis son arrivée, il remarqua que le portable clignotait et se souvint de la vibration de tout à l'heure. Il le ralluma et réduit le son au minimum. Deux messages apparurent :

Raine (15h45): Tu es toujours là ?

Raine (19h30): Est-ce que t'es un chat ?

Tristan se retenu de rire. Est-ce qu'elle blaguait ? Si ce n'était pas le cas, il finit par penser qu'il ne pouvait pas la blâmer pour ça.

Tristan : Merci encore pour la nourriture. Non, je ne suis pas un chat. Est-ce que tu as un chat ?

Il voulait aussi la remercier pour la litière mais ne put se résoudre à le mentionner, même si elle savait sûrement qu'il l'utilisait. [i] J'ai pas envie d'y penser. [/i] Il retourna à son lit, essayant de faire voyager son esprit ailleurs.

Il lui avait dit qu'il ne restait que jusqu'à la prochaine pleine lune. Peu importe comment cela fonctionnait, le livre l'avait transporté ici lors d'une pleine lune et il devait faire la même chose pour retourner dans son univers. C'était d'ailleurs étrange qu'elle ait le même livre sur son étagère, juste en bien plus grande version.

Il devait retourner dans son monde. Il avait réussi à survivre ici pour l'instant mais ça n'allait pas durer longtemps, il allait finir fou à force, ou bien mourir horriblement dans la bouche d'un chat. Le chat ne le trouverait sûrement pas bon, mais cela n'avait pas d'importance. Les chats s'en fichaient; ils s'amusaient juste avec leurs jouets avant qu'ils ne meurent. Des pensées de chats emplissaient son esprit jusqu'à ce que des rêves de chats viennent occuper son sommeil. Chats...

***

Le jour suivant, Tristan se réveilla à l'odeur des tartines grillées. Jugeant la voie libre, il se dirigea vers la table de nuit pour trouver un petit coin de toast avec de la confiture de mûre sur une assiette et un seul morceau de melon ainsi qu'un bouchon plein de céréales. Les repas semblaient devenir toujours plus petits; elle avait probablement réalisé qu'il ne mangeait pas beaucoup.

Les céréales avaient un goût de carton humide étant donné que les flocons d'avoine en eux-même étaient trop gros, mais il apprécia la tartine avec la confiture. Et pourtant, même après s'être rassasié, il restait plus de la moitié de la nourriture. Momentanément coupable, il se rappela qu'avec sa taille la quantité de gaspillage était négligeable.

Tristan utilisa ses toilettes, immédiatement reconnaissant pour les escaliers improvisés. Les livres simplifiaient son escalade. De plus, l'intérieur de la litière sentait et avait une texture différente, comme si la litière elle-même avait été changée. Il n'y avait plus de poussière pour déranger ses poumons.

Est-ce que je suis sérieusement en train de devenir heureux à propos d'une nouvelle litière pour chat ? Pensa-t-il.

Après s'être soulagé, il retourna à la table de nuit. À ce moment, il entendit un bip et se tourna vers le téléphone. Où est-il ? Pensa-t-il. Une sensation de peur l'envahit alors qu'il sentit son estomac se retourner et qu'il failli vomir son petit-déjeuner - la lumière verte familière du téléphone clignotait depuis le dessous le lit.

Tristan s'y rendit et bien sûr, le portable s'y trouvait, hors de vue pour ceux qui se déplaçaient dans la chambre. Comment était-ce possible ? Savait-elle où il se cachait ? Très probablement. Mais si elle le savait, pourquoi ne l'avait-elle pas trouvé ?

Confus et apeuré, Tristan alluma le téléphone et lu le message.

Raine : J'avais un chat, mais il s'est enfui il y a quelques mois. Camila va passer l'aspirateur aujourd'hui. Tu seras en sécurité sous le lit.

Ce n'est pas possible !

Elle connaissait sa position. Il n'avait plus le contrôle de la situation. À n'importe quel moment elle pouvait... elle pouvait... Quoique. Maintenant qu'il y pensait, il n'avait jamais eu le contrôle sur rien du tout. Elle n'avait pas encore essayé de le blesser ou de le capturer ni quoi que ce soit, elle semblait respectueuse de son désir d'intimité. Elle avait même anticipé ses besoins avant qu'il ne lui en fasse part - la nourriture, les escaliers fabriqués par ses soins, le téléphone.

Et pourtant, il ne pouvait empêcher ses nerfs de réagir; ses mains tremblaient alors qu'il écrivait sa réponse.

Tristan : Merci.

C'était tout ce qu'il réussit à écrire et même là, il dut corriger plusieurs fois. Il avait besoin de penser. Un bip...

Raine : Je compte regarder un film ce soir puisque j'ai pas école demain. Tu es le bienvenu si tu veux te joindre à moi.

Un film ? Quel genre de fille passe ses vendredi soirs à regarder un film toute seule ? C'était sûrement un piège; il ne pouvait définitivement pas prendre ce risque, même si un peu de divertissement lui aurait procuré une pause.

Tristan : Désolé, je ne peux pas.

Raine : OK. Mais je tournerai le dos au mur. Je ne me retournerai pas si tu changes d'avis et que tu décides de voir le film.

Tristan ne comprenait toujours pas cette fille. Pourquoi était-elle aussi gentille ? Il devait y avoir un truc.

Tristan : Tu sais où je suis, pourquoi tu n'as pas essayé de me trouver ?

Raine : Tu m'as demandé de ne pas le faire.

C'était tellement vrai, il lui avait demandé d'éviter de le chercher. Cependant, elle l'avait écouté ? Il doutait qu'il aurait fait pareil à sa place. Il se serait comporté comme un enfant dont les parents l'auraient prévenu de ne pas chercher ses cadeaux cachés dans sa propre chambre. Bien sûr qu'il aurait cherché ! Mais encore une fois, il n'était plus un enfant, et elle non plus.

Le fait de penser à des parents balaya sa nervosité, la remplaçant par d'autres émotions.

***

Tristan passa les quelques heures suivantes à se familiariser avec les capacités du portable pour effectuer des recherches internet. Il commença les recherches par son propre nom, Tristan Briggs. Il trouva plusieurs individus qui portaient ce même nom mais il n'en faisait pas partie. S'attendait-il vraiment à se trouver ? Il eut du mal à comprendre même ce que cela aurait signifié.

Presque chaque application semblait familière en terme d'interface mais elles portaient des noms différents. À la place de Chrome il utilisait Breaker pour surfer sur le web. À la place de Google, il utilisait Qwest. À la place de Facebook, Fondue. Il signa pour se faire un compte Fondue, mais ne trouva personne de familier. Rien sur ses parents. Quelques clics sur Caleb Peterson revenaient, mais à moins que Caleb ait pris 10kg, avait laissé sa barbe pousser, avait des enfants et avait déménagé sur Seattle, il doutait que ce soit la même personne.

Pourtant beaucoup de choses étaient les même, comme le président du moment et l'acteur principal de son film préféré, Godfather. Il voulait passer les heures suivantes à explorer le net mais la porte interrompit son train de pensée.

Tristan regarda alors qu'une femme à la peau matte entrait dans la chambre avec un aspirateur. Elle marmonnait une chanson qui lui semblait familière et marcha jusqu'au bureau.

"Oh, dios mío niña."

Tristan écouta alors qu'elle arrangeait les papiers et les livres sur le bureau. Puis il la vit approcher de la litière et il trembla. Elle continuait à chantonner alors qu'elle ramassait les livres qui lui servaient d'escaliers et les reposaient là où ils devaient être.

Bon, fait chier.

Lorsque l'aspirateur se mit en marche, Tristan se retira dans son lit pour se couvrir du volume trop élevé. Il espérait que Raine disait vrai lorsqu'elle lui avait dit qu'elle ne le passerait pas sous le lit. Si jamais ce n'était pas le cas, alors il allait devoir se déplacer vers la table de nuit ou n'importe où dans la chambre, et il se ferait très sûrement remarquer.

Finalement, l'aspirateur s'arrêta et Camila quitta la pièce après avoir arrangé deux trois autres choses. Tristan retourna sur le téléphone et passa le reste de la journée à faire des recherches sur internet jusqu'à s'apercevoir que la batterie affichait un signal rouge.

Il verrouilla immédiatement l'écran afin d'économiser de la batterie. Le portable l'avait vraiment aidé à faire passer sa journée, mais comment faire s'il perdait toute sa batterie ? Comment allait-il faire pour communiquer avec Raine ?

***

Tristan fit une sieste durant l'après-midi et se réveilla lorsqu'il entendit le téléphone vibrer doucement. Il rampa jusqu'à lui et le déverrouilla. Plus que 10% de batterie.

Raine (18h30): Aucune préférence pour le film ? Est-ce que tu aimes le popcorn ?

Ne lui avait-il pas déjà dit qu'il ne comptait pas regarder le film ? Il ne fallait pas lui laisser de faux espoirs, car il n'avait jamais voulu lui en donner.

Tristan (18h31): Je ne compte pas regarder le film ce soir. Le portable n'a presque plus de batterie.

Dès lors que ce fut envoyé, il se sentit mal. Elle avait été si gentille avec lui mais sa peur le contrôlait. Et puis il n'avait pas répondu à sa question au sujet du popcorn. Avant qu'il ne puisse envoyer un autre message, il entendit la chaise du bureau reculer.

Merde ! Elle est dans la chambre ! Bien sûr qu'elle y est, il est 18h30 !

Il se retira rapidement, juste à temps pour voir ses pieds apparaître sur le côté du lit adjacent au téléphone. Après quelques secondes, une main apparut et tira le portable de dessous le lit. Le coeur de Tristan sauta dans sa poitrine alors qu'il se rendait compte de la taille gigantesque de sa main vue depuis une si petite distance. Elle ne semblait pas réelle.

Il regarda les pieds en chaussette marcher le long de la chambre et entendit un léger click, comme si le téléphone venait d'être branché à un chargeur. Elle revint avec un bol et se rassit dans sa chaise confortable. L'odeur du popcorn s'empara de lui, le faisant saliver.

Raine alluma la télévision et quelques secondes plus tard, Tristan entendit de la musique. Ça ressemblait à une introduction de film d'horreur. Super. Juste ce dont il avait besoin. Peut-être qu'il aurait du lui recommander quelque chose ? Faisait-elle ça pour le tester ?

Au bout de quelques minutes, la curiosité l'attira jusqu'au bord du lit d'où il put voir pleinement la télévision, au loin. Dans la chambre à peine illuminée, il pouvait voir qu'elle portait un pull noir bien trop grand pour elle, ses cheveux s'étalant sur le dos son siège.

Il regardait sa main plonger dans le bol de popcorn et en remarqua un bout errant juste à sa gauche, proche du lit. L'avait-elle laissé dans le but de l'attirer ? Très sûrement, c'était impossible qu'il ait roulé jusqu'ici.

Pourtant, il commençait à avoir faim une fois de plus, et cela pouvait être intéressant de goûter du popcorn à sa taille. La regardant avec attention, Tristan se glissa en dehors du lit et récupéra le morceau. Il s'assit silencieusement par terre et commença à le manger, certain qu'il pouvait s'éclipser sous le lit en quelques secondes si le besoin s'en faisait ressentir.

Il finit par regarder tout le film, même s'il n'y comprit rien du tout. Il ne pouvait pas décider si c'était un film d'horreur ou non. Le personnage principal, Alex, avait passé la première moitié du film à torturer, violer et tuer ses victimes. Après avoir été lobotomisé par la gouvernement, il avait perdu toute sa volonté lors de la deuxième moitié du film et avait souffert entre les mains de ceux qu'il avait torturé plus tôt. Lorsque le film se termina, Tristan se sentit sale et mal, oubliant presque son environnement.

Soudainement, Raine éteignit la télévision et parla, "Je sais que tu es là Tristan, tu n'as pas besoin de te cacher, je ne me tournerais pas si tu n'en as pas envie."

Tristan se glaça. Non seulement avait-il temporairement oublié l'état de sa situation, mais il n'avait jamais entendu Raine parler auparavant. Pas une seule fois. Sa voix désintéressée pénétra son esprit d'une qualité quasi hypnotique.

-"Est-ce que le film t'a plu ?"

Tristan était sans voix, étudiant avec précaution ses moindres mouvements. Elle ne bougeait pas du tout. Elle avait juste l'air d'attendre patiemment. Finalement, il répondit, "Je l'ai trouvé un peu bizarre."

Sa voix était étrange. Parlait-il assez fort ? Pouvait-elle seulement l'entendre ? Il ressentit le besoin de reparler, au cas où. "Enfin, ce n'est mon type favori de film."

-"Je suis désolée que le film ne t'ai pas plu."

Encore une fois, le sentiment de culpabilité s'empara de lui. Il avait été très négatif ces derniers temps. "C'est pas grave. Je... Je suis content que tu m'aies invité à regarder."

Après quelques secondes de silence, Tristan se prépara à retourner vers sa cachette, jusqu'à ce qu'elle ne reprenne la parole, "Tristan, est-ce que tu me fais confiance ?"

L'air se glaça dans ses poumons. Quelque chose à propos de sa voix. Allait-elle enfin se retourner et le capturer ? Il lui faisait effectivement confiance à un certain niveau, mais pas suffisamment pour remettre sa vie entre ses mains, même s'il pouvait le faire étant donné qu'elle lui avait quasiment sauvée. Pourtant, comment pouvait-il répondre honnêtement "oui" avec autant de crainte dans son coeur ? Il sentit les que les mots qui allaient sortir de sa bouche étaient sur le point de changer leur relation, et il ne savait pas vraiment s'il y était préparé.

 

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